Suikoden I & II HD : un retour culte entre nostalgie et modernité

Espérer un vrai retour de la série Suikoden, c’est un peu comme croire au Père Noël. On en rêve, mais on sait au fond que ça n’arrivera probablement jamais. Pourtant, pour les fans de longue date, cette saga signée Yoshitaka Murayama et Junko Kawano reste une référence absolue du jeu de rôle japonais. Malheureusement, Yoshitaka Murayama nous a quittés avant la sortie d’Eiyuden Chronicle: Hundred Heroes, un successeur spirituel qui a clairement divisé.

Alors, que reste-t-il aux fans ? En 2025, la réponse tient en une compilation : Suikoden I & II HD Remaster, une réédition des deux premiers épisodes. Une manière de rappeler à Konami que la licence a toujours son public, même après toutes ces années.

Un attachement irrationnel

Si vous croisez un fan de Suikoden, il y a de fortes chances qu’il vous parle sans s’arrêter pendant des heures, enchaînant souvenirs et anecdotes avec une passion débordante. L’auteur de cet article n’échappe pas à la règle. Il suffit d’évoquer Luca Blight, l’antagoniste emblématique de Suikoden II, pour réveiller cette obsession.

Mais aujourd’hui, il est temps de rester un minimum sérieux. Il y a beaucoup à dire sur cette double réédition et son importance, autant pour les nostalgiques que pour ceux qui découvriraient cette saga culte.

Un duo de légendes, mais une saga plus riche

Quand on parle de Suikoden, on a tendance à ne citer que deux épisodes : le premier et surtout le deuxième. Certes, Suikoden III et Suikoden IV sont les moins aimés, mais il ne faudrait pas oublier Suikoden V, un épisode salué pour sa narration, ou même le tout premier, souvent éclipsé par son successeur.

Il faut reconnaître que Suikoden II dépasse son aîné sur presque tous les plans : l’écriture est plus dense, les personnages plus travaillés, le système de runes plus riche. Mais le tout premier Suikoden garde un atout unique : c’est lui qui a posé les bases de tout ce qui fait le sel de la série.

Les combats au tour par tour avec une équipe de six, les batailles stratégiques où chaque choix compte, les duels scénarisés… Toutes ces mécaniques étaient déjà là en 1995. Et même si le premier manque d’un vrai méchant charismatique, il reste un RPG marquant, surtout pour son époque.

Suikoden II, le sommet

Si Suikoden II est autant adulé, c’est pour sa capacité à raconter une histoire humaine dans un contexte de guerre politique. Le duo formé par Rio (ou le nom que vous choisirez) et Jowy reste l’un des plus marquants du jeu vidéo. Amis d’enfance, séparés par la guerre, devenus ennemis malgré eux.

La grande force de Suikoden II, c’est la richesse de son casting. Des personnages comme Nanami, la grande sœur protectrice, ou les mercenaires Viktor et Flik apportent une vraie chaleur humaine. On retrouve aussi le concept emblématique des 108 étoiles, ces compagnons à recruter tout au long de l’aventure, chacun avec sa personnalité, son histoire et son utilité.

Plus qu’un simple JRPG, Suikoden II donne l’impression de construire une véritable communauté, avec ses moments de joie, de doute et de drame. Ce sont ces liens, cette sensation d’appartenir à quelque chose de plus grand, qui rendent l’expérience si spéciale.

Luca Blight, méchant de légende

Et puis, il y a Luca Blight. Un tyran sanguinaire, sans pitié, qui ne vit que pour détruire et humilier. Il ne se contente pas d’être un obstacle, il personnifie la folie meurtrière d’une guerre sans fin. Et pourtant, ce monstre n’est même pas l’ennemi final du jeu.

C’est cette approche nuancée du conflit qui fait la maturité de Suikoden. Ici, la guerre ne se résume pas à un combat entre gentils et méchants. Ce sont les ambitions, les peurs et les trahisons de tout un peuple qui façonnent le destin du monde. Si vous parvenez à recruter les 108 étoiles et à débloquer la vraie fin, vous assisterez à l’une des conclusions les plus marquantes de l’histoire du JRPG.

Un remaster respectueux

Si cette réédition HD est aussi attendue, c’est parce qu’elle fait les choses bien. Les portraits des personnages ont été entièrement refaits par Junko Kawano, l’artiste d’origine, sans trahir le style de l’époque. Les environnements sont plus nets, la lumière mieux gérée, mais le charme pixel-art reste intact.

Les animations de combat ont été améliorées, l’ambiance sonore a gagné en richesse avec des petits détails (oiseaux qui s’envolent, bruits de foule…), et surtout, quelques ajouts bienvenus modernisent l’expérience.

On peut enfin profiter de sauvegardes automatiques, accélérer les combats et surtout, un journal de quêtes permet de garder une trace des dialogues importants. Ce journal propose même de marquer certaines conversations, une vraie aide pour s’y retrouver quand un PNJ donne une information clé.

Une version Switch réussie

Pour cet article, nous avons testé la version Nintendo Switch, qui s’en sort très bien. Les temps de chargement sont courts, le framerate reste stable, et l’ensemble tourne sans accroc. Un vrai confort par rapport aux galères techniques d’Eiyuden Chronicle.

Petit bonus pour les francophones : le tout premier Suikoden est enfin traduit en français. Si Suikoden II avait eu droit à sa localisation à l’époque, ce n’était pas le cas de son prédécesseur. Cette traduction, particulièrement soignée, permet enfin de profiter de l’histoire dans les meilleures conditions.

Un prix qui pique un peu

Reste la question du prix. 50 euros pour deux jeux qui fêtent leur 25 ans, ça peut faire grincer des dents. Mais quand on voit la qualité de cette remasterisation et l’importance de la saga, l’investissement se défend. D’autant que la prochaine "nouveauté" Suikoden annoncée par Konami… c’est un free-to-play mobile blindé de microtransactions.

En attendant un miracle, cette compilation reste la meilleure façon de (re)découvrir deux classiques du JRPG, et de rappeler à Konami que Suikoden mérite bien mieux.